📅 On ne fait plus des contenus : on remplit des tableaux Excel
#23 - Et on cause aussi mort des agences ou disparition des agences créa. BONUS : sortie du 4ème épisode de Lauren Hurst.
Il fut un temps où “créer du contenu”, ça consistait à transmettre une idée, tenter un truc.
Aujourd’hui, force est de constater que, bah… c’est surtout cocher les cases d’un bingo.
Parce que si votre contenu est pas AEO-compatible, GEO-friendly et optimisé pour les “intent micro-moments” de la cible C-suite, faut rentrer chez vous, déso pas déso.
(oubliez pas aussi de vous excuser auprès de Gary Vaynerchuk en lui envoyant une boîte de cookies)
Bref, bienvenue dans l’ère du content aseptisé, où l’histoire, l’émotion et l’épaisseur narrative passent à la trappe, sacrifiées tels des agneaux bêlants sur l’autel du ROI par diapo PPT interposée.
Le storytelling ? C’est pas rentable
À force de vouloir tout quantifier, tout tracer, tout scorer (même l’émotion !), on a fini par évacuer le cœur même du contenu : dire quelque chose de “vrai” à quelqu’un.
Dans une économie de la survie budgétaire post-ZIRP (oui, on en est là), chaque contenu doit prouver sa valeur avec des chiffres, des stats, des tableaux, des heatmaps, et des outils de reporting automatiques capables de t’expliquer que ton post LinkedIn a bidé car posté à 9h02 au lieu de 8h57.
Pourquoi ? Parce que les budgets marketing ont diminué de 15 % en 2024, que ça ne va pas en s’arrangeant, et que les CMO doivent faire moins avec toujours moins.
Ainsi donc, plutôt que d’avoir des idées, on fait de la data-purée. On enrobe tout ça dans du “scalé” grâce à l’IA sans jamais se demander si quelqu’un lit encore ce qu’on écrit.
“Optimise ton contenu pour l’IA”… et pour qui d’autre, au fait ?
Eh oui, c’est bien connu : si on veut survivre dans les SERP post-apocalyptiques de Google, faut désormais plaire à ChatGPT, Perplexity, Gemini et compagnie plus qu’aux humains.
L’optimisation SEO “classique” (rip) a laissé place à de nouvelles abréviations improbables comme AEO (Answer Engine Optimization) ou GEO (Generative Engine Optimization) comme présenté dans ce récap.
Mais si l’IA génère les réponses, sélectionne les sources et supprime le besoin de cliquer… est-ce que le contenu narratif n’est pas en train de crever pour de bon ? Ou pire : de n’exister que comme ressource brute à cannibaliser ?
William Kammer le confirme dans son billet chez Neil Patel : les AI Overviews de Google génèrent moins de clics. Moins de clics = moins de visiteurs = moins de récits partagés. Le contenu devient invisible, mais indexé, comme un fantôme utile pour nourrir le monstre algorithmique.
B2B ou B2C : tout le monde est humain
Heureusement, certains essaient encore de raconter des trucs.
L’article Taking a Page From Consumer Marketing rappelle qu’en B2B aussi, les gens ont besoin d’un peu plus que “5 tips pour scaler ta stack martech” : ils veulent des récits, des liens humains, du vécu.
À côté de ça, on fait du contenu “efficace”, mais à quoi bon ?
Quand tu passes plus de temps à tuner ton contenu pour faire lever le drapeau aux algos plutôt qu’à réfléchir à ce que tu veux dire, y’a un truc qui cloche.
Alors la vraie question, c’est pas “quel outil va m’aider à scaler plus vite”, c’est peut-être :
“Qu’est-ce que ce contenu dit de moi ? De ma marque ? De ce qu’on veut raconter au monde ?”
Et ensuite on peut réfléchir au tuning - parce que, certes, faut bien bouffer. Mais qu’on cesse une bonne fois pour toutes de caler l’attelage avant les bœufs.
Dans les premiers épisodes, je vous ai parlé de Lauren Hurst, cette ado australienne devenue une rockstar de LinkedIn avant de se volatiliser sans laisser de trace.
Dans l’épisode 03, je décortiquais les pratiques douteuses de l’agence qu’elle a monté.
Des contenus recyclés, des témoignages qui sentent le fake, une mise en scène parfaitement huilée. Tout semblait pointer vers une fraude bien orchestrée. Mais là… on change de niveau.
Dans ce quatrième épisode, je vous emmène là où même Google baisse les bras.
J’ai voulu comprendre comment on efface quelqu’un d’internet. Et je parle pas juste de désactiver son compte. Non : je parle de tout cramer.
Alors j’ai contacté un skip tracer, un mec payé pour retrouver ceux qui veulent disparaître.
Et ce qu’il m’a raconté ? Ça dépasse tout ce que j’avais imaginé.
👉 Les techniques pour effacer son identité numérique (et pourquoi c’est plus flippant qu’on croit)
👉 Les entreprises qui facturent des dizaines de milliers d’euros pour "nettoyer" le web
👉 Le rôle probable de l’entourage de Lauren… ou de ceux qui l’ont utilisée
Mais quand quelqu’un disparaît aussi vite… c’est pour échapper à quoi ?
L’épisode 04 est dispo ici, bonne écoute :
⚠️ Vous avez 3 secondes pour me filer un coup de main ?
Comme annoncé dans le dernier numéro (le numéro normal, pas le hors-série, hein), je suis en train de restructurer mon écosystème de contenus, et cette newsletter en fait fatalement partie.
La Plume Déchaînée est donc susceptible d’évoluer, mais j’ai besoin de votre avis avant de bouger quoi que ce soit.
L’idée : introduire davantage “d’actionnable” comme des mini cas pratiques, des ressources et des “how-to” pour concevoir des contenus B2B plus intéressants que la moyenne.
Donc, petite question (sondage qui sera relancé une troisième fois si les résultats s’avèrent mitigés ; les précédents résultats étant favorables) :
Vous êtes annonceur ? Bonne nouvelle : bientôt, vous n’aurez plus besoin de créa, plus besoin d’agence, plus besoin de brief, que dalle. Vous direz juste à Meta : “Je veux vendre ça, je suis prêt à payer tant”, et l’IA s’occupera du reste.
C’est monsieur Zuckerberg qui le dit lui-même dans son interview fleuve à Stratechery. Meta est en train de bâtir le Saint-Graal de la pub automatisée : une IA générative capable de produire le contenu, le diffuser, le cibler et en mesurer les résultats sans que vous ne leviez un orteil.
“Connectez-nous à votre compte bancaire et dites-nous l’objectif. On gère.”
- Zucky
Le projet est on ne peut plus clair : supprimer les intermédiaires. Agences, consultants, freelances, stratèges, copywriters, motion designers… tous priés de laisser la place à la grande machine à ROI autonome.
Et pourquoi s’arrêter à la pub ? Eh ouais : l’IA Meta pourra aussi dialoguer avec vos clients, gérer la relation commerciale, générer des assets à la volée, et même devenir votre “assistant de marque” en continu. Tout ça pour… le prix que vous aurez défini par conversion.
C’est l’ubérisation de la pub, mais sans chauffeur svp.
Comme le résume Zuck avec flegme : “It’s going to be huge”, et moi j’ajouterais “huge dans ton 🍑”.
Vous pensiez que LinkedIn était un espace d’expression libre ? Comme c’est mignon.
Dans une analyse chirurgicale de notre fausse liberté numérique, Boris Foucaud démonte un à un les mécanismes silencieux par lesquels les plateformes redéfinissent ce qui peut (et ne peut pas) être dit en ligne. Shadowban, algorithmes opaques, amplification sélective : welcome dans une démocratie de façade où l’on peut tout dire... à condition que personne ne nous lise.
Car tout ce qui gratte un peu - critique sociale, pensée politique, tension narrative - est méthodiquement désindexé du réel.
Le plus ironique dans la tambouille : c’est nous qui alimentons le système. On produit du contenu, on s’autocensure inconsciemment, on applaudit quand nos posts “performent” - sans trop se demander qui a décidé qu’ils méritaient d’être vus, et pourquoi.
Et le pire, c’est qu’on s’habitue à cette servitude. On ajuste nos contenus. On reformate nos pensées. À force de booster certains récits (success stories, tips en carrousel, posts émotionnels peinturlurés d’un selfie), l’algorithme réduit progressivement le champ de ce qui est pensable.
Boris appelle ça la manipulation douce de la fenêtre d’Overton. Moi j’appelle ça le syndrome du feed miroir : tu vois ce que l’algo pense que tu dois voir, et tu finis par croire que le monde se résume à ce cirque permanent.
Bref, vous êtes libre de parler. Mais pas forcément d’être entendu.
Pendant que vous tweakez vos miniatures en A/B testing et que vous allumez un cierge pour prier Saint-CTR, un type nommé EGO explose les scores sur YouTube en postant trois vidéos, sans shorts, sans clickbait, avec une outro de 18 minutes (et vous avez d’ailleurs peut-être vu sa vidéo sur les trombones).
Dans une vidéo décryptage fichtrement intéressante (ci-dessous), Sylvain Lepoutre montre une chose troublante : EGO a compris YouTube au point de pouvoir l’ignorer. Il ne joue plus avec l’algorithme, il le tutoie de la stratosphère. Il ne produit pas pour l’audience, il produit pour dire quelque chose. Et ça cartonne.
Parmi les ingrédients de sa recette, une narration millimétrée et une cohérence esthétique rare, quasi cinématographique.
Mais voilà : EGO, c’est aussi une anomalie. Une anomalie inimitable et irréplicable. Ceux qui essaient de le copier se plantent, car son succès repose surtout sur sa vision.
Alors non, même si vous l’imitez très fort pour votre chaîne YouYou business, vous ne deviendrez pas EGO.
Mais vous pouvez en tirer la seule leçon qui compte : gardez votre voix, et travaillez-la comme un artisan amoureux de son outil.
📣 “On a publié un truc !” et alors dude ? Partager un contenu juste parce qu’il existe, c’est pas du marketing, c’est du boucan. Et c’est précisément ce qu’on apprend à ignorer de nos jours. Comme le rappelle Jordan Chenevier-Truchet : à la place, offrez du contexte, un insight qui pique ou une opinion qui surprend pour donner envie d’en savoir plus.
🕳️ Bienvenue dans le trou noir du contenu généré par IA. Dans cet excellent billet, 404 Media montre que l’IA générative ne cherche plus à convaincre les humains, mais à saturer les algorithmes ; on assiste depuis plusieurs mois à une avalanche de Reels absurdes, d’articles vides, de vidéos creepy qui captent juste assez notre attention pour alimenter la machine. Le contenu n’est plus fait pour nous, il est fait contre nous : pour nous piéger, nous faire scroller, et nous faire cliquer jusqu’à la moelle.
🫂 Quand l’IA devient psy. Une étude de la Harvard Business Review sur les vrais usages de l’IA en 2025 fout un petit froid dans le dos : contrairement à ce que l’on pourrait croire, non, la majorité des usages de l’IA ne consiste pas à coder un SaaS en 2-2 ou à générer des starters packs, mais à se confier comme à un pote (ou un psy). L’assistance technique recule au profit du soutien émotionnel, de la santé mentale et du développement personnel. Bref, l’IA devient une béquille existentielle. Coucou Her.
📞 Bonne nouvelle, vous pouvez enfin appeler Mamie sans lui parler. Avec l’appli InTouch, plutôt que d’aller taper la discut’ un dimanche après-midi avec mémé, vous pouvez demander à une IA de passer l’appel pour vous et de discuter du bon vieux temps. On avait pas dit que c’était nul de refaire Black Mirror dans la vraie vie ?
📉 Google en PLS. Pour la première fois en 10 ans, la part de marché de Google tombe sous la barre des 90%. Tiens tiens, intéressant. Mon petit doigt me dit que l’IA n’y est pas étrangère.
10 jours après (désolée, je déménageais), je prends enfin le temps. Cette édition était douloureuse, mais très intéressante.
On sent quand même que tu souffres de la situation. Moralement et créativement. Non pas que tu manques de créativité, mais on sent l'épuisement et le "à quoi bon ?" poindre. Et j'avoue que je partage un poil cette amertume... Même si je me dis que comme c'est absolument inévitable, autant faire du chant du cygne quelque chose de spectaculaire.
Je vois beaucoup de SEO en sueurs, justement, surtout ces 6 derniers mois. J'en vois qui arrêtent carrément. Et le souci pour les entrepreneurs et PME, c'est qu'à l'IA s'ajoute aussi l'économie de guerre dans laquelle on entre à petits pas qui est en train de défoncer niveau fiscalité.
J'ai prévu depuis cette histoire de starter pack de faire une édition spéciale IA, justement (et j'ai toujours celle spéciale sur le marketing de la guerre en cours de réflexion), et je comptais, justement, parler de l'IA psy...
Bref. Malheureusement, je crois "qu'ils" ont décidé que 6 milliards (ou plus, je ne sais plus), c'était trop à une ère où les robots peuvent nous grand remplacer. Et pendant que certains s'excitent sur ceux qui ne mangent pas de cochons, peu s'inquiètent de ceux qui bouffent nos datas.
Merci pour cette édition !
Alors cette fois, c'est de la hype-déchainée cette édition de la plume. Qui c'est qui échappe à la sulfateuse ? L'ami Zuck y passe, Google itou. Quant à l'IA, rien de neuf sous les plumes déchainées. Mais que cela reste agréable et - surtout - intéressant à lire.
Merci Alex !
Restons optimistes. Dans ce monde où tout va (trop vite), il y a beaucoup de feux de paille. Des annonces sans effets.
Allez, pour être un brin caustique, j'ai adoré le sondage qui n'est pas une porte ouverte à la liberté d'expression. Le choix, c'est du style : "dis oui" et "ne dis pas non". Je mise sur un résultat stalinien (même pire, puisque dans les dictatures, le vainqueur des élections n'obtient jamais 100%).
Sans rancune, hein :-)